Arrivée en février à la Réserve, Éva Moisan avait six mois pour étudier Halophilia stipulacea, espèce invasive introduite par l’intermédiaire des ancres de bateaux et qui peu à peu grignote de l’espace dans l’herbier sous-marin. À la veille de son départ, cette étudiante en Master professionnel à l’Université de Corte a rendu son rapport et apporte des réponses nuancées sur les conséquences de l’arrivée de l’algue dans les eaux de Saint-Martin. On constate d’abord que la taille de la plante est inférieure localement à ce qu’elle est dans le reste de la Caraïbe. Ses rhizomes s’allongent à Saint-Martin de 0,26 à 2,16 centimètres par jour, alors qu’une croissance quotidienne pouvant aller jusqu’à 6 centimètres a été enregistrée dans d’autres îles. Son observation a fait apparaître que l’algue a une croissance ralentie sur les sites où elle est en compétition avec Syringodium et Thalassia, les deux espèces locales, mais qu’elle s’étend rapidement sur les plaines de sable plus profondes, vierges de végétation. Par principe de précaution, les premières constatations impliquent de classer l’espèce comme potentiellement invasive, compte-tenu de son expansion continue, de l’absence de régression sur les sites déjà colonisés et de son apparition sur cinq nouveaux sites depuis un an. Ce statut d’espèce invasive est par ailleurs déjà reconnu dans d’autres îles de la Caraïbe. En revanche, l’avancée du travail ne permet pas d’affirmer que l’espèce est forcément destructrice. De nouvelles études devraient permettre d’affiner les conclusions, notamment sur les interactions d’Halophilia stipulacea avec la flore locale. À noter : la plante profite pour s’implanter de la fragilité des herbiers natifs, victimes sur certains sites du déversement d’eaux usées ainsi que de la destruction provoquée par les ancres et leurs chaînes.
Afin d’éviter la dégradation des herbiers, les bateaux doivent utiliser les corps-morts mis à leur disposition par la Réserve naturelle au Rocher Créole, à Pinel et à Tintamare.